Comment soulager la souffrance morale des enfants hospitalisés ?

souffrance enfant

Que faire quand la maladie atteint aussi le moral de l’enfant hospitalisé ? La douleur est certes prise en compte avec sérieux depuis plusieurs années mais rien ne permet de mesurer le chagrin, la souffrance morale. Et si les clowns jouaient le rôle « d’antalgiques psychiques » ?

À l’écoute de la souffrance morale des enfants

À côté des psychologues et des psychiatres qui tentent de soigner par la parole et l’écoute, les clowns agissent par le jeu, en véritable contre-pied à cette forme de souffrance.

Prenons l’histoire d’Amita, petite fille d’origine pakistanaise. Elle refuse tout, ne veut pas jouer. Ne veut voir personne, surtout pas les clowns. Elle tourne la tête à l’opposé lorsqu’elle les voit. Le Pr Méphisto Balthazar et le Dr Joséphine s’accusent mutuellement de lui faire peur. Alors la fillette les regarde par en dessous et se met à rire en douce. Balthazar et Joséphine continuent de plus belle et font exprès de ne pas voir son manège pour préserver son plaisir. Ce jour-là, les 2 comédiens-clowns ont fait office d’antidote à la tristesse d’Amita.

Même si les clowns respectent toujours le refus d’un enfant, ils savent qu’une attitude de rejet ou d’agressivité peut aussi dire autre chose. Autant que le repli sur soi, ce peut être le signe qu’un enfant est malheureux.

Car l’hôpital devient aisément lieu de souffrance morale. L’enfant n’est pas touché de la même manière selon son âge, ou son histoire personnelle. D’abord, il y a la confrontation à un univers étranger qui peut sembler hostile, cristalliser toutes les peurs sur la maladie et les traitements. De plus, l’hôpital isole : séparé de son univers familier, de sa fratrie, parfois même de ses parents, l’enfant perd ses repères. Il ne va plus à l’école avec ses copains. La maladie le rend différent.

« Quand un enfant arrive à l’hôpital, c’est de toute façon une souffrance. Parfois la maladie vient se greffer sur une souffrance préexistante – problèmes familiaux, scolaires ou psychologiques – qu’elle accentue. Un enfant qui voit ses parents inquiets et malheureux peut développer une forme de tristesse car il se sent responsable de leur état » — Gabrielle Marioni, psychologue à Gustave Roussy (Villejuif)

Dans le cas d’un enfant d’origine étrangère, l’isolement peut être accentué par la barrière de la langue. Tous ne sont pas comme cette petite fille de 5 ans originaire du Kosovo, hospitalisée 5 mois pour une grave pathologie immunitaire, qui a appris toute seule le Français en quelques semaines, rien qu’en écoutant les soignants. Avec ces enfants encore plus isolés, les clowns usent de leur répertoire de chansons étrangères. Il leur arrive aussi d’échanger quelques mots dans la langue de l’enfant. C’est un moyen d’établir un lien, une présence.

Quand la douleur physique impacte le moral

Parfois, c’est la douleur physique qui plonge l’enfant dans la mélancolie, l’abattement, un phénomène que l’on constate notamment chez les bébés et les jeunes enfants. Une douleur chronique peut en effet provoquer une attitude proche de la dépression, un sentiment d’isolement. L’une des facettes du jeu des clowns est alors de permettre à l’enfant d’exprimer son mal en se défoulant, de se soulager de sa douleur en la mettant en scène. Par exemple, en improvisant une bagarre improvisée entre les clowns. Ils contribuent, par les moments de jeu et d’aventure, à préserver l’équilibre entre les agressions ressenties et les expériences de plaisir. Ils aident ainsi l’enfant à ne pas déprimer.

L’épreuve de la solitude et de l’isolement psychique

A l’hôpital, il y a de grands moments de solitude. Les clowns participent activement au maintien de la vie psychique de l’enfant, sujette à l’isolement, la maladie et la lourdeur des traitements.

« On s’ennuie beaucoup, on est dans sa chambre, on ne fait rien. On se sent un peu délaissé par tout le monde. On voit les jours passer. On rumine, on rumine, on rumine. En les voyant, on se sent moins seul, ça fait du bien. La première fois, je me suis dit ‘’on va enfin rigoler’’.» — Samuel, 13 ans, traité depuis son plus jeune âge pour une maladie de l’hypophyse

Si Samuel a accueilli les clowns avec enthousiasme, certains adolescents en revanche leur opposent d’abord un rejet ferme. Cela peut être une expression de leur mal-être. Ceux qui sont soignés pour anorexie ou hospitalisés après une tentative de suicide sont volontairement isolés de leur famille pendant quelque temps. Cela fait partie du processus thérapeutique mais peut être vécu comme traumatisant. Les soignants cherchent alors à établir un climat de sécurité affective.

Par leur présence, parce qu’ils sont la vie même, les clowns peuvent apaiser le jeune malade. Avec ces adolescents fragiles, il importe d’adapter le jeu, d’instaurer, parfois, un dialogue plus adulte, sans pour autant jamais quitter son rôle de clown. En n’imposant pas de personnage, en étant dans l’écoute, les clowns laissent l’adolescent choisir la relation qu’il désire avoir avec eux. Comme avec cette jeune fille assise sur son lit qui pleurait en regardant dehors. Sans rien dire, ils ont improvisé un jeu de regards entre eux. Puis, comme la jeune fille, ils se mirent à regarder aussi dehors. Au bout de quelques instants, elle a entamé un échange, grâce au lien complice créé entre elle et les clowns.

« Le clown est un outil pour aller mieux, une « mini-usine » à transformer en rire et en poésie le présent souvent sombre d’une chambre d’hôpital. Les clowns partagent, avec la psychothérapie, la vocation de redonner aux malades leur place d’être humain pour qu’ils soient de nouveau dans la vie. Avec un psychologue ou un clown, l’hôpital accepte la présence d’une dimension qui ne concerne pas directement la souffrance du corps. » — Pedro Serra, pédopsychiatre à l’hôpital Jean Verdier (Bondy)

Ensemble, enfants et clowns inventent l’imprévu. Cet espace imaginaire créée des relations de complicité très particulières. Intenses et brèves, cela leur confère un caractère magique et mystérieux.

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