De nombreux comédiens du Rire Médecin sont armés d'un solide bagage musical qui leur permet d'entrer en relation avec un enfant hospitalisé ou son entourage. Découvrez l'importance capitale de la musique et du chant au travers de ces témoignages.

Christophe, alias Virgil

10174 31J'ai pu constater à quel point la musique et le chant étaient à leur juste place dans mon travail de clown auprès des enfants malades. Souvent, les enfants semblent fascinés par les chants et les jeux autour de la voix : les sons, les silences sont alors comme une histoire qu'on leur raconte et c'est d'ailleurs une histoire sans fin car longtemps, on peut reprendre cette chanson là où on l'avait arrêté la fois précédente.

Je me souviens qu'avec une petite fille âgée de 4-5ans, Louanne*, j'avais créé avec sa complicité une chanson sans fin, que j'avais appelée La chanson de Virgil. Cette petite fille, au fur et à mesure de nos rencontres et plus encore à la fin de sa vie, me demandait La chanson de Virgil et, en fonction des événements de la vie de Louanne*, de sa maman mais aussi autour de la vie supposée de Virgil, ses aventures, ses joies, ses peines, j'inventais des mots, des sons qui racontaient une histoire avec une musique qui reflétait l'ambiance du jour, l’ambiance du moment.

Avant ma visite, Louanne* et sa maman construisaient dans son lit une espèce de tipi dans lequel je me glissais. Je me retrouvais alors si proche, si intime de Louanne*. Cette merveilleuse enfant me faisait l'honneur, à partir de notre chanson commune, d'échanger et partager des mots d'amour, des mots de joie, des chuchotements perdus dans le frottement des draps, la chaleur, les odeurs... Les pets de Louanne* étaient aussi des sons ! Un jour que j'étais à l'étranger à répéter un futur spectacle, un collègue clown, Bernie, m'avait appelé car Louanne* lui avait demandé La chanson de Virgil.

Le son de la voix, le son d'un instrument de musique peuvent certainement créer chez l'enfant et chez le bébé des réactions extrêmement fortes d'excitation, de joie. L'enfant semble retrouver sa liberté, oublie pour un instant la pesanteur de sa maladie ; il crie, il chante avec nous, il espère, il attend, son bassin se met à bouger, il rigole, il fait le clown ! Si la maman ou le papa se mettent alors dans l'histoire, dansent, tapent dans les mains, rigolent et pleurent de voir leur enfant si beau, si joyeux, si vivant, nous autres les clowns sommes alors témoins d'une grande histoire d'amour.

Alors, très humblement et très sérieusement, nous les accompagnons et nous les remercions, mille fois.

Emmanuelle, alias Z'el Printemps

siteLa voix est un outil à double tranchant. Avant d'arriver au Rire Médecin, j’avais une voix qui porte loin, et dans plusieurs spectacles, théâtre de rue, cirque, et même une figuration à la Comédie Française où j’interprétais une pleureuse méditerranéenne, cette voix était mon laisser-passer, mon fonds de commerce. Je l’ai utilisée, modulée, poussée, pas toujours bien placée, et à deux reprises je l’ai brisée. Nodules, polypes, je suis passée à travers les mailles du filet de l’opération des cordes vocales grâce à une phoniatre formidable qui m’a permis de me réparer par une rééducation très attentive et poussée.

C’est à ce moment-là que je suis entrée au Rire Médecin. On était sept clowns à arriver en même temps et on a bénéficié d’une formation particulière. Chanter me faisait peur. J’avais peur que ma voix me lâche de nouveau. Bénies soient Marianne, elle aussi comédienne au Rire Médecin et pro de la musique auprès des plus vulnérables, sa patience, sa disponibilité ! Elle m’a doucement guidée vers une évidence dont je n’avais jamais pris conscience : un chant qui est adressé est juste.

Jusqu’alors, je chantais pour dire que j’existais, je me suis mise à chanter pour dire à l’autre qu’il existe, et qu’il compte. C’est particulièrement perceptible avec un bébé seul dans son berceau et qui voudrait être pris dans les bras. Le chant, la voix, sont une enveloppe qui lui disent qu’on l’a vu, qu’on ressent ce désir qu’il a, qu’on tente de le satisfaire.

Très vite, mes mains se sont mises à danser au-dessus de ces bébés, pour compléter l’enveloppe sonore par une enveloppe visuelle. Elles dansent, comme portées par le chant, pour finir par se poser doucement sur le ventre, sous les pieds, sur le front. C’est un toucher qui n’est pas celui de la maman dont ça ne remplacera pas les bras tant désirés, c’est un toucher musical qui complète et clôt la rencontre. Les bébés se laissent souvent emmener dans cette aventure, cessent de pleurer, écoutent, observent, s’apaisent sous les mains, c’est une petite sublimation de la frustration.

Faire entrer Z’el Printemps à l’hôpital m’a réconciliée avec ma voix chantée en lui donnant un sens. Musique et danse, danse et musique, je ne peux pas les démêler, l’une est l’écho de l’autre, elles s’appellent mutuellement en permanence dans mon jeu clownesque.

 

*Le prénom de l'enfant a été changé.

 

Actualités